Proposition de loi de M. Éric CIOTTI visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Dans son intervention de 1847 sur les Prisons, ici même au Sénat à la Chambre des pairs, Victor Hugo affirmait : « Tout homme coupable est une éducation manquée qu’il faut refaire. La prison doit être une école. »
Nous mesurons combien cette phrase prend tout son sens lorsque nous évoquons la question de la délinquance des mineurs.
I - La délinquance juvénile dans notre pays est un vrai sujet d'inquiétude : Elle est le résultat de la conjonction de plusieurs phénomènes :
Tout d’abord, la progression significative depuis plusieurs années du nombre de délinquants mineurs n’est pas contestable. De plus, Il faut quand même rappeler que la part des mineurs dans la délinquance globale en 2010 est de 18,8%.
Au total, le nombre de mineurs délinquants confiés à la protection judiciaire de la jeunesse n’a cessé d’augmenter au cours des dernières années : + 44% entre 2002 et 2010.
Dans mon département des Alpes Maritimes, si l’on constate une baisse assez forte de la délinquance générale entre 2002 et 2010 de près de 19%, la délinquance des mineurs reste encore à un niveau très élevé.
Ces éléments ne tiennent pas compte de l’explosion des incivilités qui restent trop souvent impunies et sont très mal vécues au quotidien par nos concitoyens.
Cette augmentation du nombre de délinquants mineurs est associée à un rajeunissement des auteurs des infractions et à une aggravation des actes de délinquance. Les actes de violence des mineurs sont passés de 16% à 22% des mises en causes entre 2002 et 2010.
Il faut absolument arrêter ces processus avant que certains mineurs ne deviennent violents et peut-être irrécupérables.
Face à ces jeunes primo-délinquants désocialisées, en échec scolaire, confrontés à la démission totale des parents, nous devons apporter de manière urgente des réponses spécifiques.
Bien évidemment, nous devons continuer de privilégier les mesures éducatives plutôt que les dispositifs répressifs comme l’impose l’ordonnance du 2 février 1945.
C’est une erreur de penser que l’autorité judiciaire disposerait aujourd’hui d’un éventail formidable de solutions suffisamment larges pour répondre à toutes les situations.
En dépit des différents dispositifs existants, les solutions apportées restent peu variées.
II- Le contrat de service citoyen n’est pas seulement une alternative à la prison.
Le texte tel qu’il nous a été transmis par l’Assemblée Nationale complète utilement l’ensemble des dispositifs existants entre d’un côté les foyers classiques et de l’autre les Centres Educatifs Fermés que nous avons créés en 2002.
Le contrat de service citoyen que je défends est effectivement le chaînon qui manquait à notre réponse pénale.
Il participera au processus de resocialisation des mineurs primo-délinquants.
Il sera prononcé par le magistrat au titre de la composition pénale ou dans le cadre d’un ajournement de peine ou d’une peine d’emprisonnement avec sursis accompagnée d’un sursis de mise à l’épreuve.
Certes, plusieurs questions se posent :
A- Pour mettre en œuvre le contrat de service citoyens, était-il souhaitable de créer un nouveau type de centre de discipline et de réinsertion à côté des foyers, des autres structures d’accueil et des centres éducatifs fermés ?
Je partage totalement les points de vue du Député Eric CIOTTI et du Gouvernement. Il fallait tirer parti de l’existence et de l’expérience des Établissements Publics d’Insertion de la Défense (EPIDE) qui ont été créés en 2005.
Ces établissements assurent déjà l’insertion sociale et professionnelle de jeunes adultes en difficulté, en risque de marginalisation et volontaires.
S’appuyant sur le programme dispensé au sein des EPIDE, le contrat de service citoyen s’est fixé trois objectifs :
- Une mise à niveau en français, orthographe et mathématiques.
- Une formation civique et comportementale
- Une pré-formation professionnelle.
Ce progamme a démontré son efficacité. Le taux de réussite dans les EPIDE est de plus de 80 % pour ceux qui ont eu le courage d’aller jusqu’au bout du parcours.
B- Peut-on mélanger des publics très différents ?
D’un côté on aurait des jeunes qui seraient volontaires pour s’en sortir et de l’autre, des jeunes délinquants irrécupérables qui ne le seraient pas.
Le contrat de service citoyen ne s’adressera qu’à des mineurs âgés de plus de seize ans primo délinquants ou ayant commis des faits d’une faible gravité et ayant exprimé leur consentement.
Le point essentiel du dispositif est qu’il repose sur le volontariat.
Il n’y a pas de réinsertion, il n’existe pas d’insertion possible sans adhésion de l’intéressé.
Dans ce cadre, il est essentiel que le juge s’assure de la réelle adhésion du jeune concerné. Faisons confiance à la justice pour déceler le degré de leur motivation.
Contrairement à ce que j’ai pu entendre, la proposition de loi d’Eric CIOTTI ne dénature nullement la vocation initiale des EPIDE pour deux raisons :
D’une part, il a toujours été prévu que les jeunes délinquants restent minoritaires dans les EPIDE. En réalité, ils ne dépasseront pas plus de 10% des effectifs de chaque centre.
200 jeunes seront concernés par an dans un premier temps. Dès février 2012, les premiers jeunes seront accueillis.
D’autre part, comme vous l’avez rappelé, Monsieur le Ministre, « l’EPIDE et la protection judiciaire de la jeunesse travaillent déjà ensemble à la réinsertion de jeunes qui, ayant purgé leur peine, souhaitent s’engager dans un projet de formation professionnelle. »
Pour l’ensemble de ces raisons, je suis favorable au service citoyen, ainsi qu’aux diverses dispositions contenues dans la proposition de loi d’Eric CIOTTI.
Nous ne devons négliger aucune solution qui puisse faire régresser la délinquance qui mine un certain nombre de quartiers dans nos villes.
III – Concernant la question préalable
Je regrette que la commission des lois se soit contentée de proposer au Sénat l’adoption d’une question préalable.
D’abord, la question préalable est la procédure qui considère qu’il est inutile de délibérer au fond.
Vous refusez, par là même, au Sénat de jouer son rôle de réflexion sur un sujet important.
Nous aurions pu amender le texte et l’enrichir : Vous refusez de donner au Sénat la possibilité de le faire.
Vous auriez même pu proposer un autre projet ou un contre projet qui réponde à la question qui nous est posée aujourd’hui : Quelles solutions proposons nous aujourd’hui pour répondre à la délinquance des mineurs ?
Enfin et surtout, je constate que vous ne faites aucune proposition et je le regrette vivement.
Pour l’ensemble de ces raisons, je ne voterai pas la question préalable.