Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise essentiellement, d’une part, à augmenter l’offre de logements abordables en luttant contre la vacance et en mobilisant le parc privé et, d’autre part, à éviter les expulsions de locataires reconnus comme prioritaires au titre de la loi relative au droit au logement opposable.
Comme l’a très justement fait observer notre rapporteur, Dominique Braye, auquel je veux rendre hommage pour ses grandes compétences en matière d’urbanisme et de logement,…
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Très juste !
Mme Colette Giudicelli. … il est indispensable de replacer ces dispositions dans le contexte des nombreux dispositifs qui existent déjà ou viennent d’être adoptés.
Il est bien évident que les gouvernements qui ont été soutenus par notre groupe ne sont pas restés inactifs depuis 2002, loin de là !
Lutter contre le mal-logement est un impératif qui s’impose à nous tous et qui ne souffre aucune démagogie. C’est la raison pour laquelle nous avons voté le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion le 19 février 2009, présenté par Mme Boutin, qui vise à soutenir l’activité de construction pour répondre aux besoins en matière de logement de nos concitoyens.
Ce texte comporte des dispositions permettant de renforcer la prise en compte des populations en difficulté, afin de leur donner les moyens d’accéder plus facilement à des solutions d’hébergement ou de logement. Dans ce domaine, la loi s’attache à mobiliser à la fois les communes, les bailleurs sociaux et l’État.
Elle vise également à permettre aux bailleurs sociaux de prendre en gestion des logements dans le parc privé, afin de les sous-louer à des ménages logés dans des hôtels ou des centres d’hébergement, le plus souvent avec l’aide d’associations subventionnées par les départements. Cette mesure attendue participe indéniablement au développement d’une offre d’hébergement plus humaine.
Une politique du logement est nécessairement complexe, parce qu’elle revêt des dimensions à la fois humaines, économiques, financières et techniques. En outre, elle doit tenir compte d’une grande diversité de situations locales ou d’exigences personnelles. Mais elle constitue également, et surtout, une chaîne de solidarité entre tous les citoyens de notre pays.
La loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion est venue compléter plusieurs lois importantes, votées ces dernières années, qui ont profondément modifié, comme M. Fortassin l’a justement souligné, le paysage dans le domaine du logement. Je pense en particulier à la loi instituant le droit au logement opposable, adoptée par le Sénat en 2007.
Par cette loi, le principe du droit à un logement décent et indépendant est garanti par l’État à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret, n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir. La loi précise que ce droit s’exerce par un recours amiable puis, le cas échéant, par un recours contentieux.
L’objectif que nous recherchons tous est, bien évidemment, que les logements sociaux soient occupés par les personnes qui en ont vraiment besoin. Or, monsieur le secrétaire d’État, tel n’est pas toujours le cas. Dans les mairies et les conseils généraux, il nous arrive d’être confrontés à des cas spéciaux : les logements sociaux disponibles sont quelquefois attribués à des personnes qui auraient les moyens de se loger par elles-mêmes soit dans le secteur privé, soit dans un logement dont elles sont déjà propriétaires. Je pourrais vous donner des exemples très précis.
La loi instituant le droit au logement opposable a prévu un recours amiable devant une commission de médiation pour les personnes déclarant ne pas pouvoir se loger. La réglementation prévoit que cette commission peut demander, pour l’instruction des demandes dont elle est saisie, aux services compétents de l’État ou des collectivités territoriales, ou à toute autre personne, de faire les constatations sur place ou, au moins, l’analyse de la situation sociale du demandeur, qui sont nécessaires à l’instruction du dossier.
Cette réglementation devrait normalement permettre d’écarter les demandeurs qui ont les moyens de se loger ou de se reloger par leurs propres moyens.
Or, dans les faits, les commissions statuent, la plupart du temps, uniquement en fonction du formulaire déclaratif que leur ont remis les demandeurs, sans qu’aucune enquête soit diligentée. Si cette situation s’explique certainement par le manque de temps et de moyens pour approfondir les enquêtes, il s’agit souvent d’une volonté de ne pas mettre en porte-à-faux les services sociaux, face à des populations souvent difficiles et peu enclines à livrer le détail de leurs revenus et de leur patrimoine. En tout cas, une telle méthode ne garantit pas l’équité, alors que le but de la loi DALO est d’aider les plus démunis.
Dans le département dont je suis l’élue, j’ai parfois été confrontée à des comportements qui frôlaient l’escroquerie, et je pèse mes mots.
Les commissions de médiation peuvent être abusées lors du dépôt du dossier de recours par des demandeurs qui trichent notamment sur le montant de leurs revenus et sur l’étendue de leur patrimoine.
Lorsque j’apprends que certaines personnes gardent leur logement social alors qu’elles n’y habitent plus, par exemple pour y loger leurs enfants lorsqu’ils viennent en vacances, je suis vraiment scandalisée. (M. François Rebsamen s’exclame.)
Puisque M. Rebsamen a cité l’exemple de Dijon, je vais évoquer la ville de Menton : il nous arrive de voir des membres d’une même famille ayant chacun un logement HLM s’installer ensemble, et sous-louer les appartements restants.
Mme Colette Giudicelli. La loi Boutin va permettre de faciliter les contrôles, voire d’intenter des actions contre les locataires indélicats. Je voudrais également plaider en faveur d’une diminution des plafonds, pour que les familles les plus modestes soient bien celles qui bénéficient des logements sociaux.
Dans les faits, il est difficile d’expulser un locataire d’un logement social, quand bien même celui-ci ne rassemble pas toutes les conditions pour s’y maintenir, et encore plus difficile de le faire, moralement, lorsqu’il s’agit d’une famille avec enfants.
C’est la raison pour laquelle il me semble que la meilleure façon de réserver les logements sociaux à nos concitoyens qui en ont réellement besoin est, à mon avis, de se prémunir des tricheurs et de contrôler en amont la réalité de la situation patrimoniale des demandeurs.
À Menton, j’ai demandé au service du logement que chaque dossier soit assorti d’une déclaration dans laquelle le demandeur certifie sur l’honneur ne pas posséder de patrimoine immobilier. Je suis consciente des limites d’un tel document, la tricherie étant toujours possible.
La solution, qui ne doit pas non plus être trop radicale, serait de rendre obligatoire, au moment où est déposé le recours amiable, outre les justificatifs de revenus, la présentation par les demandeurs d’une attestation fiscale de non-propriété. Or il n’existe pas de justificatif fiscal sur lequel figurerait une mention de non-propriété. Monsieur le secrétaire d’État, je suis bien consciente que cet outil reste à inventer, et je compte évidemment sur vous.
J’en viens maintenant aux mesures de la proposition de loi inscrite à l’ordre du jour de nos travaux.
Avec mes collègues de l’UMP, nous avons évidemment conscience du problème de la vacance de longue durée.
C’est la raison pour laquelle l’ANAH mène déjà une politique active d’incitation à la remise sur le marché. En 2008, pas moins de 9 000 logements l’ont été après plus d’une année de vacance.
Mais, si nous soutenons cette politique d’incitation, nous ne pouvons accepter les mesures figurant dans cette proposition de loi sur laquelle nous avons, tout comme la commission de l’économie, de sérieuses objections de fond.
La proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste vise, en effet, à permettre au maire, lorsqu’un logement a été vacant durant au moins cinq années consécutives, de déclencher une procédure au terme de laquelle l’expropriation du bien peut être effectuée.
Ce n’est pas en voulant porter atteinte au droit de propriété, qui est garanti par la Constitution, que nous arriverons à surmonter la crise du logement social dans notre pays.
En outre, il faut bien s’interroger sur les difficultés pratiques auxquelles se heurteraient des communes souhaitant utiliser une telle procédure. M. le rapporteur nous l’a très bien expliqué, il faut d’abord identifier les logements ou immeubles vacants.
En outre, nos collègues du groupe socialiste proposent un moratoire visant à empêcher toute expulsion d’ici le 16 mars 2012 de personnes reconnues comme prioritaires tant qu’aucune offre de relogement ou d’hébergement ne leur aura été proposée.
Comme l’a également très justement souligné M. le rapporteur, une telle mesure ne ferait que dissuader les propriétaires de louer leur bien. Le marché de la location serait totalement bloqué et le nombre de logements vacants ne ferait qu’augmenter. Cette mesure aurait donc l’effet inverse du but recherché. De plus, il s’agirait d’une nouvelle atteinte au droit de propriété, surtout pour les petits propriétaires.
M. Rebsamen, dans sa présentation de cette proposition de loi, a parlé des petits propriétaires qui plaçaient leur intérêt personnel avant l’intérêt général.
Mme Colette Giudicelli. Que ce soit à Dijon, à Menton, ou dans le Nord, lorsque, après toute une vie de travail, des gens ont décidé, malgré des revenus modestes, d’acheter un petit studio ou un appartement pour le louer afin d’améliorer leur retraite, et qu’ils ont connu une ou deux expériences malheureuses – des locataires qui ne paient pas leur loyer, des occupants qu’ils mettent cinq ans à expulser ou qui leur laissent un appartement dans un état dégradé –, vous aurez beaucoup de mal à les convaincre de relouer leur appartement.
C’est la raison pour laquelle certains propriétaires modestes décident – c’est fréquent dans les Alpes-Maritimes – d’opter pour les locations saisonnières, au mois ou à la semaine. Cela ne contribue pas à résoudre notre problème. Je dis « notre problème », car ce problème est autant celui de l’UMP que celui du groupe socialiste, puisque, sur le fond, nous sommes d’accord.
Enfin, le Gouvernement a annoncé une remise à plat du droit de préemption urbain dans le cadre d’une prochaine réforme globale sur la préemption. Je souhaite que M. le secrétaire d’État complète les précisions qu’il nous a déjà apportées sur ce point.
Il ne serait pas responsable de traiter un problème aussi grave par une proposition de loi démagogique.
L’idée que les logements vacants constituent un gisement d’offres potentielles s’exprime couramment et donne lieu à des actions en vue de remettre sur le marché lesdits logements.
D’aucuns considèrent l’existence de logements vacants comme une anomalie, voire comme un scandale. La vacance est rapprochée des difficultés de logement d’une partie de la population et même de la question des sans-abri. Établir une relation entre logements vacants et sans-abri n’a pas grande signification. C’est pourtant fréquent, car cela permet d’appréhender la politique du logement en termes de recherche de coupables et de fédérer les indignations contre un adversaire abstrait : les propriétaires de logements vacants.
Le plan de cohésion sociale a ainsi assigné à l’ANAH un objectif de remise sur le marché de 100 000 logements, moyennant une prime incitative. On peut penser qu’en bénéficieront surtout des logements qui, faute de travaux, étaient inhabitables. Enfin, nombreuses sont les collectivités locales qui ont mis en place des dispositifs d’incitation à la remise sur le marché de logements vacants, ou qui envisagent de le faire.
Monsieur le secrétaire d’État, j’ai la chance de présider le conseil d’administration d’un institut médico-pédagogique qui accueille de jeunes autistes et trisomiques. Ce centre est installé dans un superbe bâtiment dans lequel il fallait faire des travaux importants et que le conseil général a décidé de rénover.
Nous avons décidé de faire participer les enfants aux travaux en leur demandant de dessiner la maison qu’ils aimeraient avoir. Près de 70 % d’entre eux ont tracé un vague carré surmonté d’un toit. La couleur ou la forme pouvaient être différentes, mais il y avait toujours un toit.
Ces enfants un peu différents nous apprennent mieux que quiconque que, lorsque l’on est fragile, ou très fragile, on va à l’essentiel. Et l’essentiel, c’est d’avoir un toit. Nous avons trouvé cela très symbolique et nous avons évoqué cette question avec les pédopsychiatres de l’établissement.
Permettre à tous d’avoir un toit est une priorité pour nous, membres de l’UMP. Nous devons nous battre pour que chacun, dans ce pays, puisse être logé décemment.
Mme Colette Giudicelli. Cela dit, pour toutes les raisons que j’ai invoquées, le groupe l’UMP ne votera pas cette proposition de loi. Nous faisons confiance au Gouvernement et à son secrétaire d’État à l’urbanisme pour mener ce nécessaire combat. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)