Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques
Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques
Mme Colette Giudicelli. Monsieur le président, il s’agit moins d’un rappel au règlement que d’une question que je souhaite vous poser, en tant que président de séance.
Ce qui se passe ce soir s’est déjà produit lors de l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques, texte dont j’étais le rapporteur. Mme la présidente de la commission des affaires sociales, qui était assise à mes côtés au banc des commissions, peut en témoigner, tout comme Guy Fischer, qui, je m’en souviens, n’était pas satisfait du déroulement de nos travaux ce soir-là, ce que je comprenais.
Personne en commission n’avait voulu voter la transposition des directives européennes, sauf moi, car je savais bien qu’il fallait que ce texte soit adopté avant le 31 mai 2011 - on nous demandait en quelque sorte de répondre à des questions que l’on ne nous avait pas posées -, sinon la France aurait dû verser quelques dizaines de millions d'euros de pénalités.
Pour ce qui est du projet de loi que nous examinons aujourd'hui, comme les sénateurs UMP n'étaient pas majoritaires lors de l’examen en commission, tous les amendements ont été adoptés. Au moment du vote sur l’ensemble, les sénateurs UMP ont déclaré qu'ils ne pouvaient voter le texte ainsi amendé ; les autres sénateurs, qui avaient pourtant adopté les amendements, ont pris la même position. Nous nous retrouvions donc sans texte. Vous connaissez la suite.
Monsieur le président, dans ce contexte très particulier, est-il légal ou non de demander au rapporteur de se contenter, en séance publique, d’émettre l’avis de la commission ? Lors de l’examen du texte transposant les directives européennes, j’ai agi de la même façon que M. Lorrain aujourd’hui, qui, depuis le début de la discussion des articles du présent projet de loi, exprime à la fois l’avis de la commission et le sien, à titre personnel. Or, à l’époque, le président de séance – ce n’était pas vous, monsieur le président ! (Sourires) – avait osé affirmer que, si je voulais émettre un avis à titre personnel, il fallait que je renonce à occuper les fonctions de rapporteur, ce que j’avais bien évidemment contesté !
Je souhaite qu'une fois pour toutes on ne place plus les sénateurs dans cette situation.
Tous les sénateurs de gauche – vous en êtes témoins, mes chers collègues – ont voté les amendements qu’a proposés la présidente de la commission des affaires sociales et, au moment du vote sur l’ensemble, ils ont refusé d’adopter le texte !
Mme Christiane Demontès. Aucun de nos amendements n’a été adopté !
Mme Colette Giudicelli. Pour notre part, comme nous n’avions voté aucun amendement, nous n'avons pas non plus voté le texte. Résultat ? Nous nous retrouvons sans texte !
Monsieur le président, mon expérience de parlementaire n'est pas très longue. C'est la raison pour laquelle je souhaite connaître votre position sur cette question et savoir ce qu'il est possible ou non de faire dans ces circonstances. Cela me semble important.
Mme Colette Giudicelli, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire, qui s’est réunie au Sénat le 16 février dernier, est parvenue à un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.
Ce projet de loi, je vous le rappelle, a principalement pour objet d’achever la transposition en droit français de plusieurs directives européennes, notamment la directive Services, dont la transposition aurait dû être accomplie dès le mois de décembre 2009, et le troisième « paquet télécoms », dont l’examen au fond a été confié, au Sénat, à la commission de l’économie. Je tiens d’ailleurs à souligner ici la qualité du travail réalisé par son rapporteur pour avis, Bruno Retailleau, et je veux également saluer celui de Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis de la commission de la culture.
En dépit du caractère technique de nombreuses mesures contenues dans ce projet de loi, les discussions que nous avons eues en commission, puis en séance publique, ont été singulièrement animées, ce qui n’a pas été sans me causer un certain étonnement.
La mise en œuvre de la directive Services, en particulier, a suscité de réelles interrogations. Sans rouvrir le débat sur le fond, je pense qu’il serait utile de dresser, dans quelques années, un bilan précis des conséquences de l’ouverture du marché des services en Europe, afin d’apprécier ses effets sur l’emploi, sur les droits des salariés ou sur la protection des consommateurs, et de pouvoir ainsi procéder, le cas échéant, aux corrections nécessaires.
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme Colette Giudicelli, rapporteur. Au cours de la navette parlementaire, le projet de loi a été substantiellement enrichi.
Sur proposition du Gouvernement, l’Assemblée nationale a notamment adopté deux articles d’habilitation, qui autorisent à procéder par ordonnance pour transposer la directive de 2009 sur le comité d’entreprise européen…
M. Guy Fischer. Ça, c’est moins bien !
Mme Colette Giudicelli, rapporteur. … et à mettre en cohérence notre droit avec un règlement relatif aux produits cosmétiques.
Les députés avaient par ailleurs adopté un article portant sur les médicaments de thérapie innovante et accepté la création d’un commissaire du Gouvernement auprès de l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
Le Sénat a, lui aussi, complété le texte en y introduisant plusieurs articles additionnels.
Sur proposition de la commission de l’économie, il a, par exemple, consacré le principe de neutralité des réseaux et autorisé les opérateurs à communiquer à des tiers des informations sur les réseaux de télécommunications, afin de favoriser un meilleur aménagement du territoire.
Sur proposition de la commission de la culture, il a souhaité que tous les élèves soient formés à un usage responsable d’Internet.
En revanche, le Sénat n’avait pas suivi l’Assemblée nationale sur deux mesures nouvelles : d’une part, nous avions réduit la portée de l’article relatif aux médicaments de thérapie innovante – cellulaire ou génétique – afin d’éviter tout risque en matière de sécurité sanitaire ; d’autre part, nous avions supprimé l’installation d’un commissaire du Gouvernement auprès de l’ARCEP, considérant que cette mesure risquait de nuire à l’indépendance et à l’impartialité de cette autorité administrative.
Le texte élaboré par la commission mixte paritaire est proche de celui qu’a voté notre assemblée.
Sur les treize articles qui restaient en discussion, sept ont été adoptés dans la rédaction issue des travaux du Sénat et trois autres ont fait l’objet de modifications purement rédactionnelles.
La commission mixte paritaire a également confirmé notre souhait de ne pas créer un commissaire du Gouvernement auprès de l’ARCEP – c’était un point important pour Bruno Retailleau.
Néanmoins, elle a supprimé deux articles qui avaient été introduits au Sénat.
Le premier article, issu d’un amendement adopté contre l’avis de la commission et du Gouvernement, aurait eu pour effet de modifier de façon radicale la manière dont est appréciée la couverture des communes par les réseaux de téléphonie mobile ; cette mesure nous a semblé juridiquement difficile à mettre en œuvre et peu opportune compte tenu de la rapidité des évolutions technologiques observées dans ce secteur.
Le second article a été supprimé parce que ses dispositions étaient simplement redondantes avec celles d’un autre article du texte.
Au total, je considère que le texte élaboré par la commission mixte paritaire constitue un bon compromis dans la mesure où il préserve les améliorations apportées par notre assemblée. Je vous invite donc à l’approuver de manière à permettre à la France de se mettre rapidement en conformité avec ses obligations européennes et de renforcer la sécurité juridique pour les prestataires de services et les opérateurs de télécommunications qui travaillent dans notre pays.
Pour conclure, je voudrais remercier tout particulièrement la présidente de la commission des affaires sociales.(Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme Colette Giudicelli, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la santé, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis vise à adapter notre législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.
Je me bornerai, dans mon intervention, à évoquer ceux des volets du texte qui sont consacrés à la santé et au travail.
En effet, l’examen au fond des articles consacrés aux communications électroniques a été délégué à la commission de l’économie ; celle-ci a désigné Bruno Retailleau comme rapporteur pour avis.
Catherine Morin-Desailly nous présentera ensuite l’avis qu’elle a établi au nom de la commission de la culture, dont l’expertise, en matière de communications et de professions artistiques, enrichira sans nul doute nos débats.
Pour introduire notre discussion, je crois qu’il n’est pas inutile de rappeler le cadre institutionnel dans lequel nous agissons.
Vous savez qu’un État membre ne transposant pas une directive s’expose à être condamné à des amendes et des astreintes dont le montant peut atteindre plusieurs dizaines de millions d’euros.
Malheureusement, la France a accumulé un retard important en matière de transposition. Elle risque d’être condamnée si elle ne remédie pas rapidement à cette situation. M. le ministre Ollier nous a rappelé que l’ensemble du processus devrait être achevé avant le mois de juin 2011, c’est-à-dire dans un peu plus de trois mois.
Le retard concerne tout d’abord la directive Services, dont la transposition aurait dû être achevée dès le mois de décembre 2009. Cette directive vise deux objectifs principaux : lever les obstacles à la liberté d’établissement au sein de l’Union européenne et favoriser la libre prestation de services à l’intérieur du marché unique.
Les mesures de transposition qui doivent encore être adoptées présentent un caractère sectoriel. Le ministre a déjà mentionné les principales activités concernées : les débits de boissons, les organismes de certification des dispositifs médicaux, les entrepreneurs de spectacles vivants, les agences de mannequins et les organismes d’évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux.
La directive Services impose, pour plusieurs professions, de remplacer un régime d’autorisation a priori par un régime déclaratif, qui s’accompagnera bien entendu de contrôles.
Les débats animés que nous avons eus en commission des affaires sociales démontrent que les inquiétudes que la directive Services avait fait naître sont loin d’être entièrement dissipées.
Dans sa version définitive, la directive est pourtant bien différente du projet initialement élaboré par la Commission européenne. Le principe du pays d’origine a été abandonné et des garanties ont été apportées pour préserver nos propres services publics.
Néanmoins, la perspective de faciliter l’accès au marché français à des prestataires de services étrangers suscite encore craintes et interrogations. Il en sera question lors de l’examen des amendements. Je ne doute pas que les précisions que vous aurez l’occasion d’apporter, madame la secrétaire d’État, répondront à bien des préoccupations.
J’insiste cependant sur le fait que l’allègement des formalités administratives imposées aux prestataires de services européens devra s’accompagner d’un véritable renforcement tant des contrôles sur le terrain que de la coopération entre administrations nationales, afin d’assurer le maintien du meilleur niveau de sécurité et de qualité pour les consommateurs.
Plusieurs articles du projet de loi visent à achever la transposition dans notre droit d’autres directives. C’est ainsi qu’un article modifie le calendrier d’enregistrement simplifié des médicaments traditionnels à base de plantes. Deux autres sont destinés à parfaire la transposition de la directive du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles.
Le projet de loi a été substantiellement enrichi au cours de son examen par l’Assemblée nationale, souvent d’ailleurs sur l’initiative du Gouvernement.
Je ne m’attarderai pas sur les mesures très ponctuelles qui ont été adoptées, et sur lesquelles nous aurons l’occasion de nous pencher lors de la discussion des articles.
Je souhaite en revanche mentionner les deux articles d’habilitation que l’Assemblée nationale a introduits dans le texte sur le fondement de l’article 38 de la Constitution.
Le premier permet de légiférer par ordonnance en vue d’harmoniser notre droit avec le règlement européen du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques. Le second autorise la transposition, par voie d’ordonnance, de la directive du 6 mai 2009 réformant le régime du comité d’entreprise européen.
Je sais que certains de mes collègues sont, par principe, opposés au recours aux ordonnances. Je sais aussi que la qualité de la loi pâtit souvent de l’absence d’intervention du législateur.
Toutefois, la commission a jugé que ces deux demandes d’habilitation étaient acceptables, compte tenu du caractère ponctuel, et assez consensuel, des mesures devant être prises. J’ajoute que l’encombrement de l’ordre du jour parlementaire plaide également en faveur d’une telle solution.
Outre ces deux mesures d’habilitation, l’Assemblée nationale a adopté un article visant à adapter au droit communautaire l’encadrement des médicaments issus de technologies innovantes.
Pour le dire franchement, cet article, dans sa rédaction initiale, ne nous avait pas vraiment convaincus : il allait bien au-delà de ce que l’adaptation au règlement exigeait et il aurait autorisé les établissements de santé à se livrer à des activités de production, de prescription, d’utilisation et de commercialisation de médicaments de thérapies innovantes.
En d’autres termes, les établissements de santé auraient pu se transformer en laboratoires pharmaceutiques, alors que, jusqu’à présent, notre législation distingue nettement ces deux activités. Il nous a semblé peu rassurant qu’une même personne puisse fabriquer, commercialiser et prescrire des médicaments, surtout dans le contexte actuel de doute sur la sécurité sanitaire.
Le ministère de la santé a, fort heureusement, entendu nos arguments, de sorte que l’amendement déposé par le Gouvernement permet de répondre à nos objections : il vise à interdire aux établissements de santé de devenir des laboratoires pharmaceutiques, tout en tenant compte du cas particulier d’organismes à but non lucratif comme le Généthon ; il tend à encadrer rigoureusement la fabrication de médicaments de thérapie innovante « à façon », c’est-à-dire pour un malade particulier dans le cadre des établissements de santé. À mon sens, nous pourrons donc finalement trouver un point d’accord sur cette question.
En conclusion, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je soulignerai que ce projet de loi, en dépit du caractère technique d’un grand nombre de ses dispositions, consolide deux grands principes, affirmés avec force tout au long de la construction de l’Union européenne : la libre prestation de services et la liberté de circulation des travailleurs en Europe. Il aura pour effet de simplifier les formalités devant être remplies par les prestataires européens qui souhaitent s’établir en France ou y proposer leurs services de façon temporaire et occasionnelle.
Naturellement, cette liberté doit être encadrée. La suite de nos débats montrera, pour chaque secteur, l’équilibre qui a été trouvé, entre l’obligation pour la France de se conformer à ses engagements européens et la nécessité d’offrir à nos concitoyens toutes les garanties qu’ils sont en droit d’attendre en matière de santé, de sécurité, de qualité de services ou de normes sociales. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi qu’au banc des commissions.)